Sur la piste du chamois

Le décor est le même que celui du précédent récit concernant un certain lézard : les Ecrins. Je vais emprunter le même chemin, tout du moins au début.

Cette-fois ci je pars tôt.

  • D’une part parce que je suis dans une vallée encaissée, et tant que le soleil ne frappe pas le versant où je me trouve, la brise de pente m’est favorable car le vent léger vient du sommet, je suis donc sous le vent. Dès que le soleil frappera le versant, le vent s’inversera.
  • Ensuite, partir tôt (pas trop non plus, ce sont les vacances à ce moment là) permet de bénéficier d’une neige plus dure, surtout par -15°C.
  • Enfin, le secteur où je me rends comprend 3 couloirs à avalanche identifiés sur la carte comme de visu (et confirmés par les locaux). Autant ne pas trop trainer là bas trop tard.

Partant seul, je suis obligé de m’équiper lourdement même si je sais que la journée sera belle avec un ciel parfaitement dégagé : des vêtements chauds et étanches, du matériel photo plutôt lourd, de quoi boire et grignoter en plus du matériel de sécurité habituel.

Le secteur où je me rends est un GR plutôt étroit qui est accroché à une pente de plus de 45° en plein éboulis. C’est la seule zone où le sol est visible et où les chamois peuvent trouver facilement à manger (cela aussi ça m’a été confirmé). Le secteur de l’année dernière est situé dans une vallée très boisée aux pieds du Mont Pelvoux, dans une zone où il y a chaque année de grosses avalanches. Or cette année, malgré les grandes quantités de neige, le vent fort et les températures plus clémentes de ces derniers jours, il n’y a encore eu aucune avalanche : c’est trop dangereux pour moi, j’évite.

C’est parti!

La première portion du trajet est raide et se fait en raquettes. Très rapidement j’ai très chaud malgré la température glaciale qui règne. La neige est présente en grande quantité, seule la pellicule de surface a gelé, dessous c’est de la poudre : lors de mes reconnaissances je m’enfonçais parfois jusqu’à mi-cuisse dans le sous bois… en raquettes.

Je passe au milieu de la haie d’arbres, puis je suis la trace de la veille en zigzagant entre les arbres tout en évitant le petit ruisseau qu’on entend couler sous la neige. Je retrouve alors ce tableau énigmatique laissé par 2 jeux d’empreintes :

Traces

E-PL5 : ISO 200, focale 14mm, ouverture f/8, obturation 1/4000s

A croire qu’un lièvre et qu’un renard ont joué au jeu du morpion.

Je traverse plusieurs fois une route dégagée, en raquettes sur le goudron : la traversée est courte, la pente raide, et ça me ferait perdre trop de temps d’enlever les raquettes. Résultat, ça me rappelle une séquence d’un sketch des Monty Python et je rigole tout seul.

J’arrive sur le second tronçon : de la neige bien tassée car c’est une route souvent empruntée par des promeneurs. Je vais vite, je suis toujours dans l’ombre. Je laisse la cabane abandonnée sur ma droite, salue les Ents amoureux également sur ma droite.

Ents amoureux

E-PL5 : ISO 200, focale 14mm, ouverture f/8, obturation 1/800s

Le soleil commence à réchauffé la cime du versant où je me trouve. Je presse le pas, prends la bifurcation me menant au lézard et atteint l’intersection avec le troisième tronçon.

Il fait froid.

Froid-Ecorce

E-PL5 : ISO 1000, focale 60mm, ouverture f/5.6, obturation 1/125s

Le chemin me semble praticable sans raquettes, la trace est étroite et porte les marques du passage de skieurs passés la veille. Je continue et arrive là où j’aurais dû aller la veille au lieu de rester en admiration devant le lézard. Le fameux GR.

Comme prévu il est étroit, trop pour utiliser des raquettes.

Comme prévu la pente est forte, mais les arbres ne sont pas loin en aval : en cas de chute je n’irais pas très loin, je laisse donc les bâtons de marche sur le sac.

Le soleil arrive sur le sentier, ça fait du bien. Aucun vent.

Je sors le matériel photo, à partir de maintenant il va me falloir avancer en silence sur 3 Km.

Assez rapidement, je tombe sur ce qui me manquait : des traces de présence de chamois.

Chamois crottes

E-PL5 : ISO 200, focale 75mm, ouverture f/5.6, obturation 1/3200s

J’écrase une de ces olives avec ma chaussure : elle n’est pas gelée. Il doit y avoir un chamois pas très loin.

Je continue d’avancer. Plus aucun arbre à droite en aval, et à gauche c’est toujours aussi raide. Je passe le premier couloir, celui qui m’inquiétait le plus car il commence par une paroi rocheuse dont les blocs se sont manifestement détachés récemment.

Second indice.

Chamois empreinte

E-PL5 : ISO 200, focale 34mm, ouverture f/5.6, obturation 1/2000s

La photo n’est pas terrible, les contrastes sont énormes, je n’ai pas de réflecteur pour équilibrer un peu les ombres. Toujours est-il que j’identifie cette empreinte comme celle d’un chamois.

Tout ceci me motive, je continue d’avancer. D’un seul coup, je perçois un mouvement très bref sur ma gauche.

Un chamois enfin!

Celui là est un malin : il trône sur une barre rocheuse à plus de 50m. Il me surplombe, je suis totalement à découvert. Il regarde fixement dans ma direction.

Chamois 01

Reflex Canon APS-C : ISO 100, focale 350mm, ouverture f/5.6, obturation 1/640s

Inutile de tenter une approche directe. Je poursuis donc sur le chemin, l’air de rien, en espérant que le chamois soit suffisamment curieux pour ne pas bouger. Quelques dizaines de mètres plus loin je suis toujours à découvert : il l’a vraiment bien choisi son coin celui là! Bon tant pi je tente une photo car il me semble plus près.

Chamois-02

Reflex Canon APS-C : ISO 100, focale 350mm, ouverture f/5.6, obturation 1/640s

La pente est trop forte, mais je vois une petite barre rocheuse bordée d’arbres qui devrait peut-être pouvoir être utilisable.

Je continue d’avancer, le chamois est toujours là. J’arrive enfin à couvert! Je range une partie du matériel dans le sac et commence ma petite ascension. C’est raide! La fine pellicule de neige recouvre un éboulis de pierres assez grossières : pas très discret. J’opte donc pour me tenir aux branches des arbres… mes bâtons de marche aussi. Je suis obligé d’avancer à 3 pattes, une main tenant l’appareil photo.

Je n’ai plus le chamois en visuel. Je continue de grimper tant bien que mal, en essayant de ne faire aucun bruit. Après une bonne demi-heure d’efforts, j’arrive enfin à un endroit ou je peux voir la zone où était le chamois : plus personne, rien d’étonnant! Il a dû partir dès qu’il m’a entendu monter! Tant pi.

Je me retourne pour regarder où est le chemin : en ligne droite je n’ai dû parcourir que 15 mètres. Un bruit me fait tourner la tête, mon coeur s’accélère pensant voir un chamois téméraire venir à ma rencontre. Ce n’est qu’une pierre, elle descend toute seule : la neige commence à fondre, il est temps de partir. Comme c’est un éboulis, je redescends en quelques secondes sur le chemin.

Il me reste 2 couloirs à avalanche à passer, je suis grosso modo à mi-distance que j’aille dans une direction ou dans l’autre. Je poursuis ma route et traverse un torrent partiellement gelé.

Cascade gelée

E-PL5 : ISO 200, focale 34mm, ouverture f/5.6, obturation 1/400s

J’en profite pour faire l’inverse de tout le monde : prendre les pistes en photo depuis le versant opposé (ici Puy Saint Vincent).

Puy Saint Vincent

Reflex Canon APS-C : ISO 100, focale 320mm, ouverture f/5.6, obturation 1/1600s

Pratiquement à la fin de ce sentier,  je finis par croiser quelqu’un. Cette personne est en fuseau, chaussure de sport plate, et possède un sac à dos dans lequel ma gourde et mes gants tiendraient à peine! Elle me demande si ça glisse. Je lui réponds que non. Elle a quand même bien vu que j’avais des chaussures d’alpinisme, des guêtres et j’en passe non? Du coup je lui précise qu’il y a des couloirs à avalanche et qu’étant donnée l’heure, 11H30, la neige fondait. Ca n’a pas l’air de l’émouvoir, elle continue son chemin. Machinalement je note l’heure et enregistre le point GPS.

Je sors enfin de ce sentier, il est tard, il fait chaud et j’ai faim. Je connais le secteur, je mets les raquettes et fonce en ligne droite vers le bas, m’enfonçant dans cette neige légère.

Même si je n’ai pas pu faire les photos souhaitées, malgré toute cette neige j’ai quand même pu voir un chamois sans les jumelles. J’ai obtenu ce que je voulais, je suis content, la descente est très rapide.

 

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